Transition énergétique : faut-il craindre pour l'emploi ? Communiqué de presse pour la sortie de la Note 80


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Avec l’objectif ambitieux de réduction des émissions de carbone, la transition énergétique entraînera-t-elle des pertes massives d'emplois et des délocalisations en raison de la hausse des coûts de production des entreprises et de leur perte de compétitivité ? Ou, au contraire, générera-t-elle de la croissance et de nouvelles opportunités, notamment en favorisant la création de nombreux emplois verts hautement qualifiés et rémunérés ?

Dans cette nouvelle Note du CAE, François Fontaine, Hélène Ollivier, Aurélien Saussay et Katheline Schubert éclairent ce débat en montrant tout d’abord que l’impact macroéconomique sur l’emploi global sera réduit, même si la transition aura des impacts inter- et intrasectoriels hétérogènes et qu’elle entraînera des réallocations d’emplois qui devront sans doute être accompagnées. Ceci ne doit pas nous détourner d’une trajectoire européenne crédible d’augmentation du prix du carbone, instrument essentiel pour la décarbonation. L’idée que la transition serait massivement créatrice d’emplois verts doit aussi être relativisée : les emplois verts sont amenés à se développer mais ne représenteront qu’une part limitée de l’emploi. Ces métiers souffrent actuellement d’un déficit d’attractivité qu’il faudra combler pour accompagner la transition bas carbone.

Un impact hétérogène de la tarification du carbone

La politique climatique consiste à donner un prix au carbone qui n’en a pas spontanément. Le prix peut être explicite avec une taxe carbone ou implicite par le biais de règlementations ou d’interdictions. Pour apprécier globalement la portée de ces différents instruments, nous étudions à titre illustratif les effets d’un prix du carbone unique de 100 euros la tonne à l’horizon 2030, imposé à toute l’économie. L’impact macroéconomique sur l’emploi est limité : -0,6 % à horizon 2030 dans le scénario le plus défavorable. Mais ce scénario est peu probable car, d’une part, les entreprises ne manqueront pas d’adapter leur mix énergétique. Et, d’autre part, l’augmentation du prix du carbone sera probablement étendue à l’échelle européenne et s’accompagnera d’un mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières qui permettra aux secteurs les plus exposés de mieux absorber le choc ; les effets agrégés sur l’emploi devraient donc être positifs.

Il faut par ailleurs tenir compte d’une forte hétérogénéité intrasectorielle des émissions pour évaluer les répercussions de la transition. Le renchérissement du coût du carbone entraînera des réallocations d’emplois en direction des entreprises moins émettrices au sein de chaque secteur. L’impact de la tarification du carbone est également très différent selon les territoires : cela tient en partie à la spécialisation sectorielle de certaines régions, mais aussi, et surtout, à la concentration d’entreprises au mix énergétique défavorable dans certaines zones, indépendamment du secteur. C’est une dimension importante pour guider les politiques publiques.

 

Quelles politiques publiques ?

L’argument de pertes massives d’emplois, démenti ici, ne doit donc pas nous détourner d’une trajectoire ambitieuse de réduction des émissions de CO2, pour laquelle l’augmentation du prix du carbone est un levier essentiel. Le système européen d’échange de quotas d’émissions (SEQE) constitue notre principal instrument pour établir un prix sur le carbone, mais ce marché souffre encore de certaines défaillances qu’il convient de corriger.

 Recommandation 1. Mettre en place un prix plancher dynamique du carbone reflétant son coût social, a minima 150 euros/tCO2 aujourd’hui, et environ 250 euros en 2030.

Recommandation 2. Encadrer plus strictement les mesures compensatoires au regard des objectifs de réduction de CO2 et assujettir l’ensemble des établissements de chaque entreprise soumise au marché européen du carbone.

 

Les effets différenciés sur les entreprises – entre secteurs, entre zone d’emplois et au sein d’un même secteur – impliquent des réallocations d’emplois et de production qui peuvent nécessiter un accompagnement. La transition ne doit pas être entravée par un déficit d’information, un manque de visibilité sur la trajectoire du prix carbone ou des contraintes de crédit pour son financement. Pour cibler les actions d’accompagnement prioritaires, il est par ailleurs indispensable de se doter d’une base de données exhaustive sur les mix énergétiques des entreprises.

Recommandation 3. Conduire l’ensemble des entreprises vers une plus grande efficience énergétique en mobilisant encore davantage les dispositifs d’accompagnement et de financements proposés par les différents acteurs. Une attention particulière devra être accordée aux territoires identifiés comme les plus à risque.

Recommandation 4. Créer pour l’ensemble des entreprises et des secteurs une base de données reportant les consommations et les dépenses énergétiques des entreprises, alimentée par les remontées systématiques des fournisseurs d’énergie.

 

Les emplois verts

Les emplois participant de manière directe à la décarbonation de l’économie ‒ les emplois verts ‒ sont peu nombreux : ils représentent aujourd’hui entre 0,5 % et 1% de l’emploi. Ils sont amenés à̀ se développer mais ne constitueront qu’une part modeste de l’emploi total. Ces emplois se concentrent dans les professions qui ne sont pas hautement qualifiées, mais qui exigent des compétences spécifiques. Celles-ci ne sont pourtant pas rétribuées et ne conduisent qu’à une faible prime salariale verte. Cette incohérence provoque un déficit d’attractivité, qui devra être levé pour atteindre nos objectifs climatiques.

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Transition énergétique : faut-il craindre pour l'emploi ?

2023-11-15
La transition énergétique, qui passe nécessairement par la réduction des émissions de carbone, sera-t-elle destructrice d'emplois ou, au contraire, favorisera-t-elle de nouvelles orpportunités avec le développement d'emplois verts hautement qualifiés et rémunérés?