Après des années de modération, l'inflation est de retour, caractérisée notamment par une forte augmentation des prix des biens : à la suite de la première vague de la pandémie de Covid, les prix à la production ont commencé à augmenter en France, avec des hausses non seulement plus fréquentes mais également plus importantes. Depuis 2020, la dynamique de ces prix a souvent été expliquée par la combinaison d'une augmentation de la demande et d'une augmentation des coûts qui, dans le contexte européen, sont principalement tirés par les prix de l'énergie et ceux des intrants étrangers. Les entreprises manufacturières font l'objet d'une attention particulière : elles sont en effet directement exposées aux chocs liés aux coûts de l'énergie et des intrants étrangers, et elles peuvent amplifier ou réduire la transmission de ces chocs sur les consommateurs selon qu’elles répercutent ou pas la hausse des coûts sur les prix de vente.
Dans ce Focus, Raphaël Lafrogne-Joussier, Julien Martin et Isabelle Méjean étudient le rôle des chocs liés aux coûts des intrants importés et de l'énergie dans la poussée inflationniste de 2021-2022, en partant de deux questions centrales : quels sont les taux de transmission de ces chocs sur les prix manufacturiers et observe-t-on une hétérogénéité des comportements des entreprises ? Quels sont les secteurs et les entreprises les plus touchés par ces deux types de chocs au cours de la période post-pandémique, et à quel niveau ?
Pour y répondre, les auteurs s’appuient sur les données microéconomiques qui constituent l'indice français des prix à la production (IPP) entre janvier 2018 et juillet 2022, les données sur les prix des intrants importés par chaque entreprise et sur leur dépendance aux différents types d'énergie. Les auteurs évaluent que les entreprises répercutent 30 % des prix des intrants importés et 100 % des coûts énergétiques sur leurs propres prix, lorsqu’elles sont exposées à ces chocs. En outre, l’ajustement des prix de production des entreprises face à de tels chocs est asymétrique : les entreprises répercutent moins les chocs de coûts dans les prix quand ils sont à la baisse (choc de coût négatif) que lorsqu‘ils sont à la hausse (choc positif). Enfin, l'exposition aux chocs externes étant très variable selon les entreprises et les secteurs, il en découle des différences importantes dans la dynamique de l'inflation entre les entreprises, avec une hausse de l'indice des prix à la production plus forte dans l'industrie chimique et métallurgique.