Voir la note associée : Les petits commerces : déclin ou mutation ?
Les petits commerces génèrent des externalités positives (rôle social, attractivité des territoires, etc.). Aussi les autorités publiques se préoccupent-elles de leur devenir. Y-a-t-il un déclin du petit commerce ou assiste-on simplement à sa mutation ? Dans cette nouvelle note du CAE, Marie-Laure Allain et Anne Epaulard décrivent les évolutions récentes de ce secteur, marquées par une croissance de la restauration et des débits de boissons, un dynamisme dans les banlieues mais un net recul dans les zones rurales et les villes isolées. Plus généralement, la situation financière des petits commerces n’a pas été affectée par la crise Covid, et le e-commerce pénalise davantage la grande distribution que les petits commerces. Dans ce contexte, le soutien aux petits commerces doit être modulé et piloté davantage au niveau local qu’à l’échelon national, avec un accompagnement des services de l’État, et faire l’objet de collecte de données régulières à des fins d’évaluation scientifique.
Pourquoi se préoccuper des petits commerces ?
Par leur fonction d’approvisionnement et leur rôle social, les petits commerces sont source de bien-être pour la population. Des externalités existent aussi entre petits commerces via des dynamiques d’agglomération ou de concurrence.
Constat 1. Les petits commerces exercent des externalités bien documentées. Les externalités positives sur les habitants confirment une dimension de service public qui pourrait justifier une politique de soutien. Les externalités positives entre commerces sont d’autant plus fortes et rapides que les marchés sont différenciés.
Dynamiques récentes du petit commerce en France
Les petits commerces génèrent 12 % de l’emploi total et 6 % du PIB. Cependant leur évolution est hétérogène selon les secteurs et les lieux. Ces dernières années, le secteur des bars et restaurants est en pleine croissance au détriment des équipements de la personne et du secteur de l’habillement. Le dynamisme des banlieues contraste avec la situation des zones rurales et des villes isolées. La crise Covid n’a pas modifié les dynamiques existantes.
Constat 2. Depuis 2013, le nombre de petits commerces augmente dans les banlieues, stagne dans les centres-villes et diminue dans les zones rurales et les villes isolées. La vacance commerciale est plus élevée dans les villes de moins de 40 000 habitants et dans les petits centres commerciaux.
Constat 3. La situation financière des petits commerces s’est améliorée depuis la pandémie, les faillites d’entreprises sont bien inférieures à leur niveau de 2019.
Une double concurrence : grandes surfaces et e-commerce
Après une phase de croissance soutenue, les autorisations de nouveaux locaux commerciaux sont en baisse depuis 2018, tandis que les autorisations pour des surfaces dédiées aux entrepôts sont en hausse. L’e-commerce représente une nouvelle concurrence qui affecte plus les grandes surfaces que les petits commerces. Les gains attendus du e-commerce (diversification de l’offre, comparaison et baisse des prix, etc.) se retrouvent davantage en milieu urbain que rural. C’est aussi en milieu urbain que se développent le quick commerce et les darkstores.
Constat 4. Le développement du e-commerce pénalise la grande distribution, ce qui peut bénéficier indirectement aux petits commerces en infléchissant la dynamique concurrentielle entre grandes surfaces et petits commerces.
Constat 5. L’impact économique du développement des entrepôts ne semble pas nécessiter une intervention spécifique des pouvoirs publics. La réglementation existante devrait être suffisante pour contrôler leur impact sur l’urbanisme de centre-ville.
L’action publique
L’hétérogénéité géographique des situations appelle une action publique au niveau local. Les récents programmes de soutien aux centres-villes (Action cœur de ville, Petites Villes de demain) bénéficient indirectement au petit commerce mais la mesure de leurs effets doit être améliorée.
Recommandation 1. Compte tenu de l’hétérogénéité spatiale des situations, une politique de soutien du petit commerce doit être modulée et pilotée au niveau local plutôt qu’à l’échelon national, éventuellement avec un appui financier des agences de l’État.
Recommandation 2. Instaurer une collecte régulière des données géolocalisées liées au commerce et évaluer les programmes ACV et PVD avec des méthodes scientifiques en complément des bilans existants.
Dans les zones rurales où la faible rentabilité rend difficile une activité commerciale privée, les mairies souhaitant reprendre le dernier petit commerce en régie municipale ou sous statut associatif font face à des difficultés opérationnelles pour mettre en place une offre polyvalente (point de vente et services), nécessitant un soutien accru des services locaux de l’État.
Recommandation 3. Mettre en place un référent « dernier commerce » dans les administrations locales (DDFiP ou préfectures) pour faciliter le développement des régies municipales dans les communes rurales qui le souhaitent.
La hausse de la vacance commerciale s concerne quasiment l’ensemble du territoire, mais elle est plus marquée dans les petites villes, les quartiers prioritaires et les zones urbaines sensibles. Une taxe sur « les friches commerciales » peut être instaurée par les communes ou les intercommunalités pour inciter la remise sur le marché des locaux commerciaux vacants, mais on dispose de peu d’éléments pour juger de son efficacité. L’autre impôt spécifique au commerce est la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), mais elle ne concerne qu’une minorité de petits commerces.
Recommandation 4. Évaluer l’impact sur la vacance commerciale de l’instauration de la taxe sur les friches commerciales.