Objectif "plein emploi" : pourquoi et comment ? Communiqué de presse


Voir le focus associé : Objectif "plein emploi" : pourquoi et comment ?

L’objectif d’atteindre le « plein emploi » est généralement présenté comme une politique visant à réduire le taux de chômage. Mais cette approche peut être très réductrice. Pour penser plus globalement l’objectif de plein emploi, il faut se pencher sur la quantité totale d’heures de travail réalisées dans un pays. C'est précisément l'objet de ce Focus d’Antoine Bozio, Jean Ferreira, Camille Landais, Alice Lapeyre et Mariane Modena, qui étudie 55 ans d'évolution du marché du travail et compare la situation de la France avec l'Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Ils montrent que la France dispose de marges substantielles pour augmenter le nombre d’heures travaillées par habitant, qui peuvent avoir leur importance dans le cadre des débats budgétaires actuels et pour orienter utilement les politiques publiques.

Le faible taux d’emploi français

À partir des années 1970, la France a connu une baisse historique du nombre d’heures travaillées par habitant, d’abord par rapport aux États-Unis, puis par rapport à ses voisins européens. Malgré une remontée amorcée dans le milieu des années 1990, les Français travaillent aujourd’hui en moyenne 100 heures annuelles de moins que les Allemands et Britanniques, et 300 heures de moins que les Américains. Cet écart par rapport à nos voisins européens s’explique entièrement par la faiblesse du taux d’emploi français et non pas par le nombre moyen d’heures de travail par personne en emploi. Ce faible taux d’emploi n’est pas en cause aux âges intermédiaires, dans la tranche d’âge des 30-54 ans, où aucune différence d’emploi n’est observable avec les Etats-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. En revanche, la France se distingue par des taux d’emploi inférieurs chez les jeunes et les seniors avec un décrochage dès 60 ans.

L’insertion professionnelle des jeunes est problématique en France

En France, les jeunes sont le premier groupe de la population en sous-emploi relativement à l’Allemagne et au Royaume-Uni. Cela tient essentiellement à des différences de modèles éducatifs : il y a plus de jeunes seulement en études en France qu’en Allemagne et qu’au Royaume-Uni où l’on trouve plus de jeunes en études et en emploi (y compris hors apprentissage) ou en emploi seulement. La France se caractérise également par une plus forte proportion de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, désignés par l’acronyme anglais NEET. De plus, l’insertion professionnelle des jeunes et, en particulier, des peu qualifiés est bien plus lente en France. Deux ans après la fin de leurs études, les jeunes sortis d’études à 18 ans ont un taux d’emploi plus faible en France de 15 points de pourcentage par rapport à l’Allemagne, de 30 points par rapport au Royaume-Uni. Il s’agit donc de repenser l’organisation des parcours éducatifs, d’améliorer l’insertion des jeunes sur le marché du travail et de faire des NEET une priorité absolue.

Les seniors : des situations contrastées

Les seniors sont le deuxième groupe de la population française en sous-emploi relativement à l’Allemagne et au Royaume-Uni, mais leurs situations sont contrastées. Le taux d’emploi des jeunes seniors entre 55 et 59 ans a significativement progressé depuis les années 2000 avec la disparition des dispositifs de préretraite et il est aujourd’hui plus important qu’au Royaume-Uni et qu’aux États-Unis. Le décrochage du taux d’emploi des 60-64 ans a été nettement plus important jusqu’au début des années 2000, mais il remonte progressivement. Ce rattrapage devrait se poursuivre avec la montée en charge des réformes des retraites.

L’emploi des individus âgés de 65 ans et plus, qui a progressé dans les autres pays grâce aux plus qualifiés, reste très minoritaire en France. La santé des seniors après 65 ans se dégradant beaucoup plus vite et de manière inégale, les coûts du maintien en emploi de cette catégorie de la population augmentent fortement suivant les individus. Il convient donc de concentrer les efforts sur les personnes les plus susceptibles de continuer à travailler et les moins vulnérables.

Femmes : une contribution qui s’essouffle

Depuis 20 ans, la hausse du travail féminin a contribué pour plus de 10 % à l’augmentation du nombre d’heures de travail par habitant, essentiellement du fait de la croissance du niveau d’éducation relatif des femmes. Mais ce moteur de croissance s’essouffle et stagne désormais.

Le CAE avait recommandé dans une Note sur l’égalité hommes-femmes un cocktail ambitieux de politiques publiques pour réduire les écarts persistants du nombre d’heures travaillées entre hommes et femmes, notamment dus à l’impact particulièrement négatif de l’arrivée des enfants sur les carrières des femmes.

L’effondrement du travail des peu qualifiés

Le nombre total d’heures de travail des peu qualifiés a chuté de 40 % en 30 ans. Cette évolution est spécifique à la France et ne s’explique pas par des facteurs démographiques. Elle est liée à l’effondrement du taux d’activité des moins qualifiés, chez les femmes comme chez les hommes, pointant un éloignement accru de ces populations du marché du travail. Il importe de mener des recherches, aujourd’hui trop rares, pour poser un diagnostic plus approfondi sur les causes de ce phénomène.


Contact presse : Hélène Spoladore 07 88 87 55 44 - helene.spoladore@cae-eco.fr - helene.spoladore@pm.gouv.fr

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Objectif "plein emploi" : pourquoi et comment ?

2025-03-04
C'est en analysant l'évolution du marché du travail sur plus de 50 ans et en comparant la France avec d'autres pays que les auteurs pensent l'objectif de plein emploi, sans se focaliser sur le seul taux de chômage.