Voir la note associée : Efficacité énergétique des logements : rénover l'action publique
La rénovation énergétique des logements est-elle utile ? Sur le papier, c’est une très bonne idée : elle répond à la fois aux enjeux climatiques, d’indépendance énergétique, de pouvoir d’achat et de qualité de vie. Pourtant, les critiques sont nombreuses : inefficacité, arnaques, coût trop élevé, économies d’énergie surestimées, complexité administrative pour l’accès aux aides… Dans une nouvelle Note du CAE, Gabrielle Fack et Louis-Gaëtan Giraudet font le point sur ces critiques. Grâce à une modélisation complète de la rénovation énergétique des logements et une analyse coût bénéfice originale, ils quantifient ce que peuvent attendre les ménages et la société d’une politique ambitieuse de rénovation du bâti, sans faire l’impasse sur les obstacles et les difficultés.
Leurs travaux montrent sans ambiguïté que la rénovation est indispensable à l’atteinte des objectifs climatiques et de sobriété énergétique, même en supposant que les économies d’énergie sont moindres que celles attendues. Les bénéfices pour les ménages sont aussi réels, aussi bien en termes de baisse de la consommation d’énergie que d’amélioration des conditions de vie (confort, santé…).
Au vu de ces bénéfices pour la société, les auteurs recommandent de sanctuariser le budget annuel d’aides publiques, de l’ordre de 8 milliards par an, de refondre les dispositifs d’aides avec un meilleur ciblage opérationnel des logements et des ménages prioritaires.
Lever les barrières à l’investissement privé
Les obstacles à la rentabilité privée (pour les ménages) d’une rénovation sont nombreux. Ils tiennent tant aux craintes sur le retour sur investissement chez les propriétaires-bailleurs, qu’aux bénéfices différenciés dans l’habitat collectif, à l’accès au crédit ou au fait que les coûts de la rénovation sont immédiats pour des gains dans le futur. Ils tiennent aussi à la complexité du marché de la rénovation et au manque d’artisans certifiés.
Ces obstacles font que, d’après les travaux du CAE à partir d’une modélisation fine du parc des logements, seuls 5% des rénovations seraient actuellement rentables d’un point de vue privé. En revanche, si on levait les barrières à l’investissement, ce sont 26% des rénovations qui le seraient.
Lever ces barrières constitue donc la première forme d’action publique :
1) avec une meilleure organisation du marché de la rénovation, en repensant le label RGE qui crée un goulot d’étranglement, en fixant des contraintes non à l’entrée dans le dispositif, mais à la sortie lors du rendu des travaux, avec des contrôles ex-post renforcés à la charge d’un service public et des sanctions fortes pour les entrepreneurs qui n’auraient pas respecté les normes de qualité attendues ;
2) en accompagnant mieux et plus les ménages, en renforçant le dispositif MonAccompagnateurRénov’ et en s’assurant que tous les ménages pour lesquels une rénovation serait rentable engagent bien des travaux.
Prendre en compte les bénéfices sociaux de la rénovation
Mais si 26% des rénovation sont rentables d’un point vue privé, 55% le sont d’un point de vue social en tenant compte des externalités en termes de réduction d’émissions de CO2 et de gains de santé. Et rénover 55% du parc permettrait de réduire de 70% les émissions de carbone. Il faut donc aller vite, mais sans créer de distorsions supplémentaires.
Pour cela, il faut cibler les logements pour lesquels la rentabilité est évidente : les passoires thermiques et les vecteurs de chauffage aux énergies fossiles (fioul et gaz). Mais c’est insuffisant pour atteindre les objectifs de la transition. Il faut donc aller vers les ménages, avec un système de subventions. Les subventions actuelles ont pu être critiquées, notamment pour avoir un effet d’aubaine (que la réforme de MaPrimeRénov’ a nettement diminué) ; elles ont pourtant un effet levier fort et sont d’autant plus efficaces si elles ciblent des rénovations d’ampleur qui combinent isolation et changement de vecteur de chauffage, et qu’elles sont bien ciblées du point de vue de l’équité et de la justice sociale. On peut d’ailleurs regretter que l’accent sur les travaux d’ampleur comme le prévoyait la nouvelle mouture de MPR, ait été abandonnée en mars 2024 au moins jusqu’à la fin de l’année.
Il faut donc cibler dans l’espace, mais aussi dans le temps car il est des moments où la rénovation est moins coûteuse et propice : au moment de l’achat du logement. Un système d’incitation à la rénovation au moment de la transaction pourrait utilement être mis en place.
Ces deux formes d’action publique (lever les barrières à la rénovation privée et s’assurer que les rénovations socialement rentables soient effectuées) seront d’autant plus efficaces si est créé un vrai service public de la rénovation, responsable du contrôle ex-post des travaux, de l’accompagnement des ménages et du ciblage des aides. Il doit pouvoir s’appuyer sur un ensemble de données, aujourd’hui trop dispersées, qui seraient pourtant utiles aux ménages (informations sur les artisans et la rentabilité), pour les administrations (suivi et ciblage) et pour les chercheurs (évaluation des programmes).