Alors que l’amélioration énergétique des bâtiments présente d’importantes opportunités d’économie d’énergie et de décarbonation, le diagnostic de performance énergétique des logements (DPE) est devenu un outil clé de l’orientation des politiques publiques énergétiques et climatiques. C’est en effet sur la base de la gradation de consommation énergétique par les étiquettes de DPE (de A à G) que sont projetées les réductions d’émissions de CO2 espérées par des opérations de rénovation. Il s’agit cependant de consommation d’énergie théorique, qui peut différer de la consommation réelle du fait des ajustements de comportements. Que sait-on de l’ampleur de cet écart ?
Grâce à l’apport des données bancaires anonymisées de 178 110 ménages clients[1], Jeanne Astier et Ariane Salem du CAE, Gabrielle Fack de Paris Dauphine et du CAE, Julien Fournel et Flavie Maisonneuve de Euro-information, filiale technologique de Crédit Mutuel Alliance Fédérale présentent, dans ce premier Focus CAE/Crédit Mutuel Alliance Fédérale, un éclairage inédit sur le sujet.
Mis en place en 2006, le DPE estime la consommation énergétique primaire et les émissions de CO2 d’un logement selon un mode de calcul, révisé en 2021, qui prend en compte ses caractéristiques physiques et climatiques. Le logement se voit ainsi attribuer une classe d’efficacité énergétique et climatique allant de A (la plus efficace) à G (la moins efficace). La consommation énergétique « théorique » prédite par le DPE est la mesure centrale pour estimer la décarbonation attendue d'une rénovation énergétique, d’où l’importance qu’il soit correctement établi, faute de quoi il risquerait de distordre toutes les politiques qui l’instrumentent. Or, la consommation théorique calculée par le DPE peut différer de la consommation réelle pour des raisons qui relèvent de l’ajustement comportemental des consommateurs - l’effet rebond - ou d’un manque éventuel de fiabilité du modèle sous-jacent au DPE.
Pour apprécier l’ampleur de cet écart, il faut pouvoir disposer de données liant étiquette DPE des logements et consommation d’énergie, et contrôler ces informations pour un ensemble de caractéristiques du logement et du ménage qui l’occupe, qui peuvent affecter cette consommation. C’est l’objet de ce Focus qui documente cet écart de manière tout à fait inédite, en s’appuyant sur la grande richesse des données bancaires anonymes des clients particuliers de Crédit Mutuel Alliance Fédérale, en les appariant à la base de données publique sur les DPE. Il répond à plusieurs interrogations : Les ménages dévient-ils de leur consommation théorique et adaptent-ils leur consommation en fonction du confort énergétique de leur logement ? Les économies d’énergie liées à la performance se traduisent-elles dans leur dépense ?
Si l’on observe bien une relation croissante entre dépense, consommation énergétique et classe de performance, elle est beaucoup moins forte que celle prédite par le DPE et s’estompe pour les plus grands logements. Globalement, la différence de consommation d'énergie au m2 entre un logement classé AB et un logement classé G est six fois plus faible que celle prédite par le DPE.
Les effets comportementaux des ménages jouent une part prépondérante pour expliquer l'écart entre consommation prédite par le DPE et consommation réelle, mais ne l’expliquent pas entièrement, ce qui laisse penser que le modèle actuel du DPE est un prédicteur encore perfectible de la consommation théorique. En termes de politiques publiques, ces résultats conduisent à chercher des pistes d’amélioration du modèle du DPE et à encourager les efforts de sobriété énergétique parallèlement à la rénovation énergétique des logements car les ajustements comportementaux des ménages peuvent conduire à limiter les gains espérés de réduction des émissions de CO2.[1] Exploitation réalisée au sein des structures informatiques sécurisées et hébergées en France de Crédit Mutuel Alliance Fédérale. Seules des données agrégées ont été mises à disposition du CAE.